Nonchalance et Monstruosité , 4 jours dans la vie des vers à soie
Villa Belleville, Paris, 2021.
Une exposition performative et polyphonique autour de Rééducation, une expérience d’élevage du bombyx du mûrier, en cours depuis 2009.
Artistes invités: Albertine&Cyrano, Estelle Benazet Heugenhauser, Bérengère Hénin, anthony peskine.

«  Depuis qu’elle travaille avec des vers à soie, Ivana Adaime Makac forme le vœu de réussir à dé-domestiquer les larves, à leur rendre ce qu’elles ont perdu au terme de plus de 5000 années d’asservissement : leur disposition à la prédation, leur indépendance, leur violence aussi. Ce n’est pas un projet désespéré ou romantique : c’est un désir utopique, révolutionnaire dans ce qu’il spécule sur la capacité des êtres à s’affranchir de leurs déterminismes sociaux. L’exposition Nonchalance et monstruosité, 4 jours dans la vie des vers à soie n’a rien d’aimable, en dépit des couleurs pastel, des flocages, des structures ludiques et sportives destinées aux larves. Mais ce n’est pas pour autant qu’elle s’affranchit de l’humour, de la légèreté ou de l’absurdité. Au cours de ces quatre journées, chaque après-midi, Estelle Benazet Heugenhauser lira son texte La vie des Bombyciennes, digestion mâchouillée de La vie des vers à soie (1943) du biologiste Jean Rostand. Voyant dans l’organisation des bombyx la possibilité d’une société nouvelle, elle chuchotera cet écrit aux oreilles qu’elles n’ont pas, et peut-être grignotera en leur déclamant son admiration. Un vivarium réalisé par anthony peskine tentera d’imaginer une nouvelle vie pour les vers à soie, plongés dans un intérieur domestique humain construit à leur échelle, et potentiellement subventionné par des marques et des firmes. Mais qui voudrait encourager aujourd’hui des animaux baveurs, inesthétiques, lents ? Enfin, des portraits de vers à soie, dessinés par Bérengère Henin, viendront recouvrir peu à peu les murs, rendant à chaque bestiole son individualité, jusqu’à la caricature. Et, de temps à autres, arpentant l’espace sans doute dans un froissement maladroit, des humains déguisés en vers à soie géants proposeront quelques exercices de gymnastique pour encourager les larves réelles, trop occupées à se bâfrer de verdure. Mais qui sait si ces dernières n’abandonneraient-elles pas leur poste, pour une fois, pour aller s’enjailler elles aussi ? … »
Camille Paulhan, extrait du texte de l’exposition